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lux umbra
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26 janvier 2006

LES MAUDITES: 1- Lilith (4eme partie: DOMINATION)

2038

Je me penchais sur le cadavre. J’avais pris mon aspect nocturne, ma chevelure s’animait autour de ma tête, des griffes me permettaient de déchirer le corps et une langue bifide sortait de ma bouche pour se glisser dans les plaies. Je me gavais de son sang et en retirais un plaisir au moins aussi grand que celui de mes unions démoniaques. Caïn, sans réaction, attendis que les autres arrivent, inquiets de ne voir rentrer ni l’un ni l’autre des deux premiers fils d’Adam. J’étais toujours là, sous la forme d’un oiseau noir qui tournait autour du lieu du premier meurtre, en poussant des cris. Ils eurent du mal à éloigner un loup qui rôdait autour du corps d’Abel. Moi je savais que c’était Samaël. Pour le soustraire aux charognards et carnivores, et aussi pour tenter d’oublier sa mort, ils l’enterrèrent dans le champ. Toute la récolte avait fanée instantanément au moment où le cultivateur avait nourri la terre mère du sang de son frère.
Caïn fut chassé avec ses femmes et enfants. Certains vouaient le tuer mais se trouvèrent incapables de l’approcher. Il les terrifiait. D’autres choisirent de le suivre. Abel le prophète était mort. Vers qui se tourneraient ils ? Non seulement Caïn était le plus habile et ingénieux de la tribu, mais il avait accompli ce que personne n’avait fait avant lui, il avait tué un humain, et cela l’auréolait d’une puissance sacrée qu’il valait mieux se concilier. Quelques uns murmurèrent que s’il avait réussi à tuer Abel c’est qu’Adonaï l’avait voulu, qu’Abel avait du commettre quelque grave péché. Une longue errance commençait, que je guidais. 
Caïn n’était pas un pleutre velléitaire comme son père, il assumait son acte avec courage et mettait désormais sa confiance en moi. Comme moi, il supportait sa malédiction sans plier et je me pris de sympathie pour lui.
- Aucune créature ne mérite d’exister, me disait gravement Samaël. Pas plus lui que toi ou moi. Tu veux l’aider comme si l’espoir subsistait encore en toi.
- Aucun espoir ne subsiste en moi, tu le sais, Caïn n’est que l’objet de ma vengeance.
- Pourquoi veux tu faire durer sa race ? Tu vois en lui quelque part un fils qui remplace ceux qui t’on été enlevés.
Je détestais que mon compagnon me rappelle qu’il était un ange et que j’étais d’origine humaine.
Je les amenais jusqu’à une haute montagne. Sur son flanc s’ouvrait un réseau de cavernes où je m’établissais. Avec l’aide des anges, des pierres de la montagne furent taillées et transportées, installées à l’entrée de la grotte. Le premier palais s’éleva bientôt autour, puis autour du palais, la première ville, à laquelle Caïn donna le nom d’Hénoc, son dernier fils. De hautes murailles entouraient la ville, des tours surmontaient la vallée. J’étais la déesse d’Hénoc. Désormais je restais dans mon palais, je n’apparaissais que voilée, à mes prêtres. Seul Samaël partageait ma couche, dans les salles secrètes, au cœur de la terre. J’étais l’intermédiaire entre ses anges et les caïnites. A cette époque les hommes vivaient en moyenne neuf cent ans, et de nombreuses générations coexistaient. Les descendants de Caïn étaient aussi doués que lui et ils surent développer les techniques enseignées par les démons. Ainsi Yubal mit au point la musique et les mélodies qui envoûtent les hommes, les plongent dans l’extase pour appeler les forces des ténèbres et lancer des sorts. La montagne était riche en métaux qu’ils apprirent à extraire, et Tubal-Caïn, à partir de l’unique épée d’os sculptée par Samaël, la reproduit en série, en bronze, en fer, puis la perfectionna, en fit img025de plus longues qui permettaient de tuer de plus loin, de plus lourdes qui pouvaient couper un homme en deux, des lances et des javelots, des casse-tête et des boucliers. En échange de ma protection et de mon intercession auprès des anges déchus, je réclamais du sang, de préférence celui des enfants et des mères.
Si les habitant d’Hénoc s’étaient consacrés à augmenter leur puissance, ceux du dehors avaient fait ce qu’il leur avait été ordonné ; croître et multiplier. Seth avait succédé à Abel pour seconder son père et les hommes s’étaient divisés en plusieurs tribus qui parcouraient la terre en entraînant de grands troupeaux. Ils se retrouvaient à certaines dates pour célébrer le culte d’Adonaï et entendre les sermons des patriarches. Régulièrement donc, des groupes de guerriers quittaient Hénoc pour enlever des victimes à m’offrir. Part la même occasion ils emportaient des animaux pour eux, et longtemps personne ne leur résistaient. Les Adamites ne se servaient d’armes que pour la chasse et l’abattage des bêtes, ils ne possédaient que des bâtons et des épieux, quelques haches primitives en pierre taillée, rien qui leur permit de tenir face aux épées, aux arcs et aux javelots.
Les gardes amenèrent un jour une jeune femme et son bébé dans la salle des offrandes. Il n’y avait qu’une porte qui communiquait avec la partie plus extérieure du palais, par où l’on amenait les victimes, et une autre qui donnait sur mes appartements et ma grotte. Selon le rituel, ils enchaînèrent la femme au mur et posèrent l’enfant sur la table de pierre au centre, qui, comme le sol, était couverte de croûtes brunes. Puis ils sortirent rapidement. Ils savaient que lorsque j’étais prise de l’ivresse du sang, toute personne présente pouvait me servir à rassasier ma soif. Je pénétrais la pièce, sous une de mes formes terribles, des crocs dépassant de ma bouche, de longues griffes au bout de mes doigts, mes pieds étaient des serres d’oiseaux de proie, mes yeux fluorescents étaient ceux d’un fauve. Généralement les victimes hurlaient ou restaient figées par la terreur. Je les déchiraient et les vidaient, sang et viscères. Les nouveaux nés, je les avalais entièrement. Les gardes ramassaient ensuite les restes des adultes et les incinéraient dans un four, sous le palais. Ce jour là pourtant, alors que j’empoignais le bébé, malgré son horreur, la mère s’adressa à moi :
- Il parait que tu as été une femme comme moi, Lilith. Tu n’as donc jamais eu d’enfants que tu as aimé, pour être aussi cruelle avec les nôtres?
Je demeurais interdite et je reposais le nourrisson.
- Sache que j’ai eu des centaines d’enfants, mais sur ordre d’Adonaï ils furent tués. Maintenant c’est moi qui tue les enfants du peuple qu’il à crée.
- Adonaï ne fait pas tuer les enfants…Mais alors, si tu as connu cette souffrance, comment peux tu le faire subir aux autres ?
- Et sais-tu pourquoi ils furent tués ? Parce que je ne voulais pas retourner avec Adam. Crois-tu que c’était juste ?
J’avais repris mon aspect humain, ma beauté légendaire. Cette femme là était belle aussi. Elle continua :
-L’homme à qui j’ai été donnée est stupide et brutal. Si je pouvais faire comme toi, m’enfuir, je l’aurais fait. Mais mon enfant est ma joie. Lilith, ne t’en prend pas à lui. Je te suis offerte, mais lui, renvoie-le à mon peuple ou donne-le à une femme du tiens pour qu’elle l’élève. Epargne le en souvenir des tiens, de toute façon, il est tout petit et tu n’en ferais qu’une bouchée !
Je la regardais bien en face.
- Crois-tu que c’est par gourmandise que je fais cela ? Un mouton ou un bœuf ferait aussi bien l’affaire. Non, c’est qu’on ne peut atteindre Adonaï, mais je sais qu’on ne le touche jamais autant que dans l’amour d’une mère et l’innocence d’un enfant. Voila pourquoi je tue les mères et les enfants. Et ma vengeance est sans retour ni pardon. Je vais dévorer ton fils. Mais comme je te comprends, et que peut-être tu m’as un peu comprise, je serais miséricordieuse. Je ne le ferai pas devant toi. Je vais d’abord mettre fin à ton malheur.
Elle ne répondit pas et se contenta de fermer les yeux et de tendre sa gorge. Je refermais mes dents dessus, et presque sans douleur, je lui donnais la paix et l’oubli, cette paix et cet oubli qui m’étaient refusés à jamais.

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A partie du modèle crée par la science maudite de Samaël, les armes s’étaient répandues à Hénoc, et par contagion touchèrent les adamites. Un jour, ils réussirent à tuer un groupe de nos guerriers et prirent leurs épées et leurs lances. Les plus savants d’entre eux les examinèrent et rapidement furent capables de les reproduire. Bientôt chaque tribu eut ses forgerons qui battirent le fer, les hommes s’équipèrent, avide de venger leurs femmes et leurs enfants. Leurs troupes se dirigeaient vers Hénoc, se regroupaient sous les murailles. Un océan d’hommes, où les plus jeunes avaient une vingtaine d’années et les plus vieux plusieurs siècles, mais étaient encore en age de combattre.
Caïn entra dans la salle d’audience, accompagné de ses fils et petits fils. Il était bardé de cuir et fer, et sa première épée d’os pendait à sa ceinture, symbole de sa légitimité acquise par le meurtre d’Abel. Ils se prosternèrent devant moi.
- Sombre mère, me dit-il, le peuple d’Hénoch craint le pire. Nos ennemis sont plusieurs fois notre nombre. Ils nous assiègent et vont nous affamer. Ils ont déjà amené des troncs d’arbres pour enfoncer nos portes. Bien sûr nous sommes plus aguerris qu’eux à la guerre mais nous succomberons vite sous la multitude.
- Qu’importe leur nombre, répondis-je, nous avons le pouvoir de la nuit et du sang. J’ai besoin de nouveaux sacrifices pour augmenter ma puissance.
- Comment faire ? Nous ne pouvons sortir pour chercher des victimes…
- Cherchez-les à Hénoc ! Il y a des femmes enceintes dans la ville. Qu’on me les livre.
- Nos femmes enceintes, Lune Noire ? Mais…Elles sont l’avenir de notre ville, et….
J’entrouvrais mon voile et il frissonna devant mon regard.
- Considérer l’avenir sous l’aspect de la fécondité des femmes, du mariage et des enfants, ce sont là les vues des servants d’Adonaï. Moi j’ai promis l’immortalité aux forts, par la souffrance et le sang versé, souviens-toi ! Fais ce que je dis.
Ils le firent. Les femmes enceintes de la cité me furent amenées, malgré leurs pleurs et ceux de leurs 127proches. Je me repus de leur sang et de leurs fœtus. Puis je recouvris mon corps nu et ensanglanté d’un long manteau noir et en rabattis le capuchon sur mon visage. Pour la première fois depuis notre installation à Hénoc, je quittais mes appartements. Je marchais comme en rêve, ivre de liquide vital, en pleine extase. Mes adorateurs s’enfuyaient hors de mon chemin avec une terreur respectueuse. Silencieux, ils me virent monter sur les remparts. Il faisait nuit. Entres les torches fichées de façon régulière le long du chemin de ronde, les soldats se jetèrent face contre terre. La pleine lune éclairait les troupes massées en dessous. Les cris et les chants qui en montaient furent remplacés par des murmures. Je me tenais sur les murs de la ville, sans bouger, drapée de noir. Bientôt des javelots furent lancés dans ma direction, sans m’atteindre. L’auraient-ils fait qu’ils ne m’auraient provoqué qu’une douleur passagère…
Les deux camps attendaient, perplexes…
Soudain, en bas, une voix forte entonna une prière à Adonaï et j’en ressentis  la nausée. Brutalement, j’arrachais mon manteau et apparus, nue, aux assiégeants. Ce qu’ils virent n’était pas un corps de femme dont la beauté aurait pu faire oublier le sang figé dessus. Un grand rire envahit l’espace et une ombre plus noire que la nuit fondit sur leurs troupes qui s’enfuirent en tout sens. Je me montrais sous ma forme la plus terrible, celle de la dévoratrice des mondes devant qui périssent les formes, comme si le temps qui emporte tout s’accélérait. J’étais le chaos qui défait tous les ordres, du corps, de l’esprit ou de la nature. La nuit éternelle qui engloutit toute vie dans ses eaux dissolvantes. Présente partout à la fois dans la vallée, chacun me sentait dans son dos et je déchirais les chairs, je broyais les os et buvais goulûment le flot écarlate qui se répandait. Je dépassais les lieux du combat pour me rendre aussi dans les camps où les Adamites avaient laissés leurs familles et j’y accomplissais un nouveau massacre chez leurs femmes et leurs enfants. Peu avant le matin, alors que les guerriers d’Hénoc étaient sortis de la ville pour traquer les survivants, je reprenais ma forme « humaine ». J’étais méconnaissable, couverte entièrement d’une couche brun-rouge. Je titubais comme les hommes qui ont abusé du suc fermenté de l’orge ou du raisin. Je rentrait dans ma caverne et m’endormais. Trois fois la lune fit place au soleil avant que je ne m’éveille. Lorsque je sortais enfin du sommeil, Caïn m’appris que l’humanité entière était à présent sous la domination de la cité d’Hénoc.

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Adam, disait-on, était mort à neuf cent trente ans et Eve l’avait rejoint peu après dans la terre d’où ils étaient tirés. Caïn était à peine plus jeune et je décidais de le récompenser de ses services. Je le fis venir dans ma grotte avec ses fils, petits fils et arrières petits fils, premiers humains à pénétrer dans mes domaines secrets. Je tenais dans la main une coupe de métal martelé, qui servait aux fidèles d’Adonaï dans leurs rites. Je n’étais pas voilée et pris la parole.
- Adonaï crée la vie et donne l’éternité parait-il, même à ceux qui n’en veulent pas. Moi je vous donne l’immortalité des prédateurs. La vie que vous prendrez aux autres vous régénérera.
Je demandais à Caïn son épée d’os et je m’entaillais le cou avec. Le sang fut recueillit dans la coupe et la donnais à Caïn. 
- Bois et reçois mon pouvoir d’absorber la vie.
Il y but et la passa à ses descendants.
- Vous êtes les enfants de Lilith, la lune noire, celle qui à renié Adonaï, leur dis-je. Vous ne vous nourrirez plus des viandes et des légumes qu’Il vous concédait, mais du sang qu’Il se réservait. Vous n’enfanterez plus en donnant votre semence comme selon Son commandement, mais en donnant ce même sang, comme je vous donne le mien. La lumière du soleil, qu’Il a trouvée bonne, vous sera interdite, mais la nuit qu’Il a rejetée sera votre domaine. Comme moi vous serez la terreur qui frappe dans les ténèbres.
Après avoir bu ils furent pris de malaises et d’angoisses et sombrèrent dans l’inconscience. Je les allongeais dans des niches de pierres et attendis que la transformation s’opère. A leur réveil, je fis amener des prisonniers de tout sexes et de tout ages et avec eux nous les consommèrent, pour célébrer la naissance de la nouvelle race des vampires.
De nouvelles villes furent construites et chacune fut donnée à un prince vampire. Ils veillaient à satisfaire les besoins de leurs populations qui en échange leur offraient des victimes : ceux qui avaient enfreints les lois, ce qui étaient restés fidèles a Adonaï, et s’il ne s’en trouvaient pas dans ces catégories, elles étaient choisies au hasard. Je régnais sur un empire dans lequel se développaient les sciences, les arts et la magie. Les anges déchus eux même s’éprirent de la beauté des filles des hommes et eurent des enfants avec elles. Ainsi naquirent les géants, mais ceci est une autre histoire.
Presque tous m’adoraient comme leur déesse et me sacrifiaient leurs premiers-nés. J’étais la reine noire de ce monde, et Adonaï, parait-il, se repentit d’avoir créé l’humanité.
Alors Il noya la terre.
Le déluge balaya tout ce que j’avais construit. Noé et ses fidèles étaient montés sur l’arche. A part eux, seuls mes vampires survécurent, réfugiés avec moi dans les entrailles du globe. Une nouvelle ère commençait.

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