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lux umbra
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3 février 2006

les libertins

Enfin, le meurtre est-il un crime contre la société ? Qui put jamais l’imaginer raisonnablement ? Ah ! saderayr23qu’importe à cette nombreuse société qu’il y ait parmi elle un membre de plus ou de moins ?Ses lois, ses mœurs, ses coutumes en seront-elles viciées ?Jamais la mort d’un individu influa-t-elle sur la masse générale ?

D.A.F. de Sade « La philosophie dans le boudoir

I

Pendant qu’elle se rhabillait, ce jour là, dans la moiteur de cet après-midi de juillet, Aline réalisa l’importance que prenait sa relation avec Eric. Comme la plupart de ses amants, il était beaucoup plus jeune qu’elle ; vingt-cinq ans. Elle en avait onze de plus et était à l’apogée de sa beauté, assez grande et mince, avec des cheveux châtains foncés et ses yeux marron-verts. Elle avait passé sa petite robe rubis sur ses sous-vêtements rouges qu’il aimait. « Avec ça, disait-il, tu as l’air d’une femme de feu ». Elle enfilait ses escarpins à talons aiguilles lorsque Eric, comme pour répondre à ses pensées, rompit le silence.

- Tu ne vas pas toujours t’en aller comme ça, je voudrais t’avoir toute à moi.

Il l’avait regardé presque sévèrement de ses yeux verts. Mais encore cette fois elle devait, à regret, quitter ce jeune homme, à demi-assis dans son lit. La sueur faisait briller son corps à peine velu, tout en muscles déliés, comme un adolescent.

« Toute à lui » se répétait-elle encore au volant de sa Laguna, en parcourant ce paysage d’Ile-de-France qui lui évoquait le désert d’Arizona, sous le soleil d’été. Des champs plats, des kilomètres de lignes à hautes tensions. Les seuls vivants de ces espaces à la limite de l’Oise et du Val-d’Oise semblaient les traverser à vive allure, dans leurs voitures et camions.

Que pourrait être sa vie si elle était « toute à » Eric ? Elle n’avait jamais été « toute à » Francis, elle ne l’avait même jamais envisagée, d’ailleurs.

Elle quitta la nationale 1 et pris la D 125. En haut de la côte, Montmorency. En fin d’après-midi, le soleil donnait en plein sur la façade blanche de la villa. Pas un souffle d’air. Rien ne bougeait dans le jardin. Même Voltaire, le chat, devait avoir trouvé un coin à l’ombre pour sommeiller. « Toute à Eric… ». Perdue dans ses réflexions, elle rentra la voiture au garage. La Mercedes de Francis y était déjà. Débouchant dans la fraîcheur de la cuisine, elle le vit, un verre de Bordeaux à la main, plongé dans la contemplation de quelques planches de papiers imprimés.

- Bonjour ma chérie, tu as passé une bonne journée ?

- Très bonne.

Très bonne ? excellente, oui ! elle était encore ivre de ces heures avec Eric.

- Tiens, regarde ce que j’ai acheté. Trois gravures érotiques de 1796. Un peu chères, mais magnifiques. Qu’en penses-tu ?

Elle les examina. Une scène d’orgie où se mélangeaient au moins cinq corps. Une où trois femmes s’occupaient activement l’une de l’autre. Dans la troisième, prêtres et religieuses copulaient joyeusement.

- Superbes !

- Je les verraient bien sous verre dans la salle de bain.

Allait-elle lui parler de ce qui lui arrivait ? Tout avait toujours été simple jusqu’à présent. Elle se dit qu’elle devait le faire, au nom de leurs dix ans de mariage. Comment l’aborder ? Elle vint l’embrasser.

- Pff ! c’est quoi ce parfum ?

- Celui d’Alexandra. Elle les aime bien épicés. Comme elle, d’ailleurs.

Il se mit à lui parler d’Alexandra, une quadragénaire comme lui, de son expérience au lit, de sa perversité, puis se lança une nouvelle fois dans l’apologie de la sexualité de la tranche des 40-50 ans.

- Tu devrais choisir des hommes dans ces ages là, tu ne le regretterais pas, plutôt que des gamins comme ton Eric…

Elle se jeta à l’eau.

- Tu sais, avec lui, je crois que ce n’est pas comme d’habitude…c’est si fort…

- Allez, ne me dis pas que tu es amoureuse…

- Je crois bien que oui…

Il la prit sur ses genoux, la serra.

- Tu es adorable. Une vraie lycéenne. Mais ton beau petit jeune, aujourd’hui s’enflamme pour toi, demain ce sera pour une autre de son âge. Alors profite du présent et ne te complique pas la vie ! Carpe diem !

La formule d’Epicure était une des préférées du couple, bien que leurs références allaient plus nettement au XVIIIeme siècle, avec son apologie des plaisirs terrestres, particulièrement amoureux. L’harmonie avait toujours régné entre eux, les relations « à coté » dont ils s’étaient toujours entretenus assuraient un espace de liberté à chacun. Le seul tabou était l’attachement exclusif à un partenaire, tabou que précisément Aline se sentait en train de violer.

II

Elle avait demandé à Eric de lui faire l’amour dans la forêt, au milieu des arbres moussus. Plaisir simple qu’elle avait pratiqué il y avait déjà longtemps avec son mari, mais aujourd’hui Francis préférait des mises en scène plus sophistiquées.

Ils se tenaient maintenant serrés l’un contre l’autre, dans un oasis de fraîcheur au cœur de la canicule, écoutant les oiseaux.

Eric lâcha une profonde réflexion :

- Mieux vaut la baise bucolique que la peste bubonique !

Contrairement à Francis, les mots d’esprit n’étaient pas son fort.

- Est-ce que tu as réfléchis à ce que je t’ai dit ? continua-t-il en rendant la boite de lingettes humectées à Aline

- Etre à toi entièrement, c’est ça ?

- Bien sur. Tu tiens tant que ça à ton mari ? tu l’aimes encore ?

-…Je l’aime bien, c’est tout.

- Alors, par honnêteté envers lui et par amour pour moi, quitte le !

Le quitter ? c’était la première fois qu’on lui demandait pareille chose. Elle tergiversa, évoquant le fait qu’elle ne travaillait plus, que leur mariage était sous le régime de la séparation des biens, qu’elle se retrouverait sans rien, etc…mais Eric avait son premier poste à responsabilité en entreprise et comptait rapidement monter dans la hiérarchie, l’argent n’était pas un problème. Il devint sombre, accusant Aline de chercher des prétextes pour ne pas s’engager plus avec lui, alors qu’aucun n’était recevable.

- Ce n’est pas si simple, finit-elle par reconnaître, il est mon compagnon et complice de dix ans, il tient beaucoup à moi, même s’il me laisse vivre ma vie parallèlement. Pourquoi le faire souffrir ?

- Je n’ai pas grand goût pour le communisme (effectivement, ses choix politiques se portaient vers Démocratie Libérale) et encore moins pour le partage des femmes. Pour moi, l’amour est entier, tu es avec moi ou avec un autre. Réfléchis y . Vite.

- Mais mon chéri , tu me mets le couteau sous la gorge. Je suis à toi, d’ores et déjà. Mais Francis…

- Il faudra que tu trouve une solution, coupa son amant en se levant. Je ne lâcherais pas l’affaire.

Elle comprit qu’il avait investit autant d’énergie dans leur relation que dans la conclusion d’un contrat pour sa boîte. Et c’était un jeune loup dans la jungle du marché.

Le retour se passa sans un mot. Il n’accepta qu’un léger baiser sur la bouche en la quittant.

- Pense à ce que je t’ai dit.

Ce soir là, Aline s’enivra au gin-fizz. L’atmosphère déjà rendue lourde par l’approche d’un orage d’été vira à la violente dispute. Non, Francis ne voulait pas admettre la situation. Elle se laissait emporter par un simple désir physique qu’elle confondait avec du sentiment, expliquait-il. Elle ne devait pas se laisser avoir, il fallait qu’elle s’impose à Eric pour qu’il se contente de ce qu’elle lui donnait. A propos, qu’avaient-ils fait dans la journée ? combien de fois, dans quelles positions ? Avec une voix de vieille pocharde, elle le traita de voyeur.

- Mais bien sur, répondit-il, je suis un voyeur, ou plutôt un entendeur, comme toi. Nous raconter dans le détail nos aventures a toujours fait partie de nos jeux pas innocents du tout. Tu l’avais oublié ?.

- Je ne te parlerai plus d’Eric ! cria-t-elle en sortant dans le jardin.

Le tonnerre grondait au loin, mais il ne pleuvait pas encore. Elle vint s’asseoir en pleurant sur un banc, juste en face d’une petite statue, un buste de faune souriant. Souvent, lorsqu’elle le regardait longuement, le visage de pierre lui semblait changer d’expression et le sourire devenait un rictus cruel.

Il faut que je trouve une solution, c’est vrai. Et vite, avant que ça ne soit insupportable.

III

Eric revenait maintenant régulièrement sur sa demande et, à chaque fois, la souffrance d’Aline montait d’un cran.

- j’ai encore voulu aborder Francis hier sur le sujet, disait-elle au jeune homme un mois après son fameux « je voudrais t’avoir toute à moi », maintenant il éclate de rire, il nous traite comme des enfants. Ce n’est même pas une opposition, c’est une fin de non-recevoir. La vérité c’est que malgré les apparences, il veut me garder contre vents et marée, et même contre ma volonté.

- Quel salopard ! j’ai bien envie d ‘aller lui casser la gueule !

- Ca se retournerait contre toi.

- De toutes façons, rien ne peut te retenir de partir...

- Il est particulièrement intelligent et sans aucun scrupule. Tu sais, il m’a glissé au passage qu’il avait dans son coffre à son nom des…hum

- Des…?

Aline pris une inspiration.

- Hé bien, des photos et des films où l’on me voit me livrer à des activités…enfin…

- Avec d’autres hommes ?

- Oh, des hommes, des femmes, quelquefois les deux…Il pourrait dévoiler tout à ma famille, à tes collègues…

- C’est ça ton vieux compagnon ? Un beau salaud, oui !

- Je ne le connaissais pas comme ça. J’en suis épouvantée.

- Que faire ? On se tire ! on déménage ! tant pis pour mon poste actuel…

La jeune femme eu un geste d’apaisement. Ne pas se laisser emporter par l’émotion.

- Attend. Laisse-moi un peu réfléchir à la situation. Quelques jours, c’est tout.

Eric savait Aline plus perspicace que lui.

L’idée du meurtre s’imposa tout naturellement à elle lors de ce temps de réflexion. D’abord comme une solution parmi d’autres, puis rapidement comme de loin la meilleure. Le marquis de Sade faisait partie des admirations littéraires du couple, en tant que chantre du désir sans limites, sans interdits. Mais il faut bien le dire, ni Francis ni Aline n’avait envisagé sérieusement de réaliser dans la réalité un centième des histoires que le divin marquis n’avait vécu lui même qu’en imagination. Non, ce n’était là que reconnaissance des phantasmes les plus atroces de l’homme, devant rester phantasmes. Néanmoins leur athéisme radical leur faisait considérer comme relatives toutes les grandes valeurs morales et Aline se disait que l’homicide pouvait se justifier quelquefois, la preuve étant que les pouvoirs politiques et religieux n’en déniaient le droit aux individus que pour se l’arroger (Qui avait définit l’Etat comme étant celui qui avait le monopole légal de violence ?). Sade avait cherché à démontrer que le meurtre est inspiré par la nature; « Quelle autre voix que celle de la nature nous suggère les haines personnelles, les vengeances, les guerres, en un mot tous ces motifs de meurtres perpétuels ?or, si elle nous les conseille, elle en a donc besoin. Comment donc pouvons-nous, d’après cela, nous supposer coupable envers elle, dés que nous ne faisons que suivre ses vues ?» ( La philosophie dans le boudoir). Evidement, l’intelligence d’Aline avait perçu depuis longtemps la dangereuse fragilité de la démonstration, mais l’argument tombait juste à point.

Eric fut d’abord horrifié par l’idée, mais il était nettement plus doué pour le marketing que pour la philosophie, fut-elle dans le boudoir. Il ne se sentait pas capable de discuter les arguments d’Aline dont la rhétorique le fascinait. Si elle était une femme du XVIIIeme, lui était un jeune homme du XIXeme, chez qui les passions l’emportaient sur le raisonnement. Dans le fond, ce salaud de mari méritait bien qu’on l’élimine, lui qui voulait par égoïsme les empêcher de vivre leur bonheur. Quelques vagues souvenirs cinématographiques lui firent bientôt apparaître autour de leur projet machiavélique une aura de romantisme noir, l’amour dans le crime, version affadie de l’esprit sadien.

IV

Aline avait établi un plan.

- Je vais lui dire qu’après réflexion, c’est lui qui a raison et lui proposer de t’inviter un soir. Il adore ça, rencontrer mes amants, avec la perspective que ça se termine en partie triangulaire.

- C’est déjà arrivé ?

- Dans le passé, oui. Mais ça n’ira pas jusque là, puisque je préparer l’apéritif avec dans son verre une bonne dose de Flunitrazépan.

- Fluni…quoi ?

- Une substance que l’on trouve dans certains somnifères.

- Mais, si il y a autopsie…

- Attend ! Ca ne le tuera pas, mais à forte dose, surtout avec de l’alcool, ça provoque des états de stupeur où les gens peuvent faire n’importe quoi…certains violeurs l’utilisent. On lui proposera de prendre un bain. Abruti comme il sera, on aura pas de problème à lui trancher les poignés. Un homme décide d’en finir, il prend une forte dose de médicaments avec de l’alcool et s’ouvre les veines dans sa baignoire. Classique.

- Et il n’y aura pas de doute sur le suicide ?

- C’est là que mes talents interviennent. Je suis très forte pour imiter les écritures. On retrouvera prés de lui une lettre où il annonce son intention de disparaître.

- Ah…

Eric était fasciné par le génie cynique de sa maîtresse.

- Attention, dit-elle, tu ne dois pas être vu chez nous. Tu ne prendras pas ta voiture, j’irai te chercher avec la mienne. Je te ramènerai après.

L’invitation se passa comme prévu, Francis avait allumé un feu dans la cheminée qui, par cette soirée d’été, ne se justifiait que pour des raisons esthétiques. Mozart en fond sonore. Il accueillit chaleureusement Eric, que sa formation aux relations publiques avait appris à présenter une façade polie et aseptisée, quoiqu’il ressente pour la personne en face.

- J’ai toujours fait confiance aux goûts d’Aline en matière d’hommes, dit-il , mais ce soir je constate de visu qu’elle a su particulièrement bien choisir. Bel homme, distingué et tout…

Eric rosit.

- …Et avec la pudeur de la jeunesse, ajouta-til cruellement.

Décidément, je te déteste pensa Eric en affichant son meilleur sourire.

- S’il y a eu des malentendus entre nous, parlons en tout simplement et oublions les, annonça le mari en tendant à l’amant un étui à cigarettes.

- Je vais préparer un cocktail, dit l’épouse en passant à la cuisine. Punch planteur, ça ira ?

- Parfait ! répondit Francis.

Une sensation étrange s’empara d’Aline. Elle était d’une part écœurée par ce qu’elle allait faire. En même temps, elle était prise d’excitation, elle allait transgresser un nouvel interdit, qu’elle avait toujours respecté, celui du meurtre. C’était une émotion d’une intensité supérieure à celle qui avait accompagné sa première orgie ou sa première expérience homosexuelle, par exemple. Elle força la dose de sucre de canne dans pour en couvrir le goût du médicament.

V

Les minutes semblaient s’étirer comme des élastiques depuis que Francis avait fini son verre. Eric s’était d’abord demandé s’il allait s’écrouler la dernière gorgée bue, mais il vit bien que non. Ensuite il spécula sur le temps que mettrait le cocktail de onze heures à agir. Le bavardage du quadragénaire, loin de ralentir, devenait un rythme répétitif et incompréhensible, comme les musiques techno qu’écoutaient le jeune cadre avec ses amis dans leurs fêtes.

- Etes vous déjà allé dans un club échangiste ? demanda soudain Francis.

- Non, jamais, mais…

- Hé bien je vous amène au « Manège de Vénus », un endroit très bien à Paris. Vous y rencontrerez des femmes aussi belles et délurées que la mienne. OK chérie ?

- Mais pourquoi ne pas passer la soirée tranquillement ici, manger, et…

- Tu sais qu’on mange très bien , au « manège »

- Mais Eric n’est pas habitué à ce genre d’endroit !

- Excellente occasion pour lui de faire une expérience nouvelle !

De façon très autoritaire, il se dirigea vers le garage.

Les deux amants se regardèrent.

- Qu’est-ce que…

- Chut ! dit Aline. Quand il à décidé quelque chose…

- Mais il ne va pas nous emmener ! la drogue va agir…

- Laisse moi faire. Je vais prendre le volant et nous ferons demi-tour quand il commencera à somnoler…

Mais pas question pour Francis de laisser sa femme conduire ! « C’est ma voiture ».

- Monte derrière, dit-elle au jeune homme. Planque toi au maximum. Tu n’es pas censé être la ce soir.

La Mercedes descendit la côte, traversa St Brice, puis pris la N1, direction Paris. Aline tenta :

- Le jour tombe, tu sais que tu y vois mal la nuit. Laisse moi la place.

- Mais non, mais non…

Eric, qui jusque là s‘en était entièrement remis à Aline, commençait à douter de ses capacités à contrôler la situation. Ils roulaient à 120 sur la nationale, peu fréquentée en cette période, conduits par un type qui pouvait s’effondrer d’un instant à l’autre sur son volant. Dans quelle galère s’était il embarqué ? Avec cette femme dont les idées bizarres dépassaient de bien loin les jeux érotiques dont elle l’avait comblés. Quelle folie l’avait conduit à marcher dans cette histoire abracadabrante ? Il devait l’admettre, sa maîtresse était dépassée par les évènements. « L’amour dans le crime » « Le romantisme noir ». Tu parles ! ils allaient tous mourir dans un accident, oui !

Que faire ? Tout dire à Francis pour qu’il s’arrête ? Tentative de meurtre avec préméditation , rien que ça ! La panique le gagnait.

Il tenta une parade :

- Francis, arrêterez vous, je ne me sens pas bien , je vais vomir !

- Ah, mais c’est difficile ici, baissez la vitre, respirez un bon coup.

Il ne ralentit même pas.

Aline tourna vers le jeune homme un regard irrité. Peut-être avait-elle encore un plan, finalement.

- Tu ne te sens pas fatigué ? demanda-t-elle à son mari.

- Oui, c’est bizarre, je me sens dans les vapes, tout d’un coup.

Il bailla.

- Je suis crevé….

Il se mit à piquer nettement du nez.

La voiture fit une embardée, heureusement la route était presque déserte. Le véhicule le plus proche klaxonna rageusement. Aline secoua son mari.

- ARRÊTE-TOI !

- Mais non, ça va mieux

Il frôla un énorme camion, de très prés. Eric, derrière, ne se sentait plus capable de penser, le cerveau paralysé par la terreur.

- Prend la sortie, s’il te plait, supplia Aline. Je vais conduire.

A Pierrefite, la Mercedes quitta la nationale, fit un détour et la reprit dans l’autre sens.

A l’arrière, Eric dormait profondément.

- Ca y est, dit Aline. Il était temps.

- J’ai vraiment cru qu’il allait être plus fort que ton cocktail, lança Francis.

- Tu n’étais quand même pas obligé de jouer à celui qui somnole en conduisant. La peur a dut le maintenir éveillé plus longtemps que prévu.

- Oh, tu me connais, je suis très ludique.

La voiture fila direction la Croix Verte, puis arriva à l’Isle-Adam, non loin de chez Eric, sur un bord désert de l’Oise.

- Voilà.

Ils sortirent avec peine le garçon de la voiture et le basculèrent dans le fleuve où l’eau se referma sur lui. Aline commenta :

- Eric, profondément dépressif, a pris une forte dose de médicaments avec de l’alcool et est allé se jeter dans l’Oise. Classique. Il n’a pas sorti sa voiture, personne ne m’a vu passer chez lui. Officiellement, il s’est rendu à pied au lieu de son suicide.

Son mari se recueillit quelques secondes ;

- Mon cher Eric, désolé d’en être arrivé là. J’aurai préféré que nous fussions amis. Mais vous n’étiez guère partageur. Bon. Il ne faut pas traîner. Un petit mot, ma chérie ?

- Eric, dit solennellement la femme, ça a été vraiment très chouette avec toi, mais tu étais trop exigeant. Ciao.

Ils remontèrent en voiture. Francis relut la lettre qui annonçait sa « décision » de mourir. Rien à voir avec son écriture. Par contre, celle que sa femme avait laissé discrètement chez Eric en allant le chercher était une parfaite imitation.

- Tu ne le regretteras pas ? Demanda l’homme au bout d’un moment.

- Non, il était gentil, bon amant, mais il a dépassé toutes les bornes.

- Et oui, c’est ça les petits jeunes, ardents, mais possessifs.

- Possessif ? Collant, oui ! Je ne devais être que pour lui, je devais te quitter…Il a faillit tout gâcher. Non seulement sa relation avec moi, mais aussi notre pacte conjugal. Nous deux ! tu te rends compte ?

- Tu as quand même exagéré avec l’histoire du chantage aux photos et aux films. Je ne suis pas aussi mesquin. Je t’ai toujours demandé l’autorisation avant de les montrer à qui que ce soit.

- Tu m’aimes, Francis ?

- Mais oui, ma petite libertine.

- Tu aurais fait la même chose ?

- Bien sur. Mais ce n’est pas Alexandra qui poserait ce genre de problème. Crois-moi ! les 40-50 ans….

Rien ni personne ne devrait mettre leur couple en danger. Jamais.

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Commentaires
T
Je suis bien d’accord. Les 40-50 ans sont les meilleurs…c’est surtout vers les 41 que c’est le mieux d’ailleurs…
lux umbra
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