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lux umbra
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26 janvier 2006

LES MAUDITES: 1- Lilith (1ere partie: CREATION)

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Au commencement, à l’initiation de tout commencement, Adonaï, de ses profondeurs insondables, tira La Sagesse qui l’accompagna dans ses œuvres. Ainsi chante La Sagesse dans le livre des proverbes :

L'Éternel m'a créée la première de ses oeuvres, Avant ses oeuvres les plus anciennes

Avant que les montagnes soient affermies, Avant que les collines existent, je fus enfantée
Il n'avait encore fait ni la terre, ni les campagnes, Ni le premier atome de la poussière du monde
Lorsqu'il disposa les cieux, j'étais là ; Lorsqu'il traça un cercle à la surface de l'abîme
Lorsqu'il fixa les nuages en haut, Et que les sources de l'abîme jaillirent avec force,
Lorsqu'il donna une limite à la mer, Pour que les eaux n'en franchissent pas les bords, Lorsqu’il posa les  fondements de la terre,
J'étais à l'oeuvre auprès de lui, Et je faisais tous les jours ses délices, Jouant sans cesse en sa présence,
Jouant sur le globe de sa terre, Et trouvant mon bonheur parmi les fils de l'homme

Moi aussi j’étais avec Lui. Quand La Sagesse organisait l’univers, j’étais la folie d’Adonaï. J’étais le germe de liberté qui ne se réduit à aucun ordre. La Sagesse dansait, et sa danse était l’univers. Moi j’étais dans ce 01lumiqui était encore obscur, inaccompli.
Lorsqu’Il eut crée le ciel et la terre, que la terre était Tohu et Bohu, informe et vide, j’étais là. J’étais dans les ténèbres à la surface de l’Abîme. De la terre mère Il créa Adam et le plaça dans le jardin d’Eden. Adam nomma tous les animaux et tous les animaux s’accouplèrent devant lui. Mais lui n’avait pas de femelle. Alors de potentialité Adonaï me fit créature. On a dit que la terre qu’il utilisa était impure. En fait c’est qu’il ne s’agissait pas de la glaise malléable à merci qui servit pour Adam. C’était la boue du chaos, qui résistait à tout potier. Faite de la terre noire et des eaux d’en dessous, là où étaient tombés un tiers des étoiles, déchues de leurs trônes de gloire par Mikaël.

Il me façonna comme son nouveau chef d’œuvre, un sommet de sa création, supérieur à Adam, aurais-je tendance à penser…Mes formes étaient parfaites…comme toutes les formes de la création, d’ailleurs ! Adam aussi était aussi d’une beauté telle qu’en regardant les statues antiques ou les modèles modernes, vous  n’avez qu’un terne reflet de la beauté humaine telle qu’elle surgit du verbe créateur, et que nous incarnions pleinement.

eden
La Sagesse d’Adonaï était le jardin, elle était la Shekinah, sa présence, et nous vivions dans sa présence. L’espace nous contenait mais ne nous séparait pas. La nature nous obéissait. Progressivement, par notre rayonnement sur elle, elle s’humanisait et par le rayonnement d’Adonaï sur nous, nous nous divinisions. Le temps passait mais ne nous enlevait rien, il ne faisait que nous réaliser davantage, jusqu’à ce que nous soyons prêts à nous asseoir sur les trônes célestes laissés libres après la chute des anges. Pourtant, déjà une part d’ombre en moi résistait. Voulais-je vraiment ce qu’on avait décidé à ma place ?
Lorsque je fus face à Adam, il contempla mes longs cheveux noirs, mes yeux verts, ma peau sombre…Alors il s’agenouilla sur l’herbe et leva les bras vers le ciel.
- Loué sois-tu, Adonaï, pour tes œuvres. A l’homme tu as donné sa femelle, tu nous a unis pour chanter Ton Nom. Comme l’homme est Ta couronne de gloire, la femme est celle de l’homme. Par la loi du rut elle sera la mère de la race humaine et élèvera nos enfants dans tes chemins.
Il se tourna alors vers moi et vit que j’étais négligemment assise, à le regarder.
- Femme, pourquoi ce manque de respect ? Pourquoi ne te joins-tu pas à moi dans ma prière de louange ?
- C’est que, répondis-je, si je veux remercier Adonaï, je peux le faire sans que tu parles en mon nom. Je ne suis ni ta couronne de gloire ni le trône où tu peux t’asseoir, puisque je suis issue du limon, au même titre que toi. Quand au rut, il offre peut être d’autres joies que celle de peupler la terre ?
Il me considéra, sceptique, sans bien comprendre. Les choses commençaient mal entre nous. Je voulus alors goûter aux plaisirs que nous offraient nos corps. La Sagesse l’habitait dans chaque atome et ses différentes fonctions, non ? Mais lorsque je voulus l’aimer, il me repoussa.
- Non, ce n’est pas encore l’heure du rut ! S’il a été créé des cycles et rythmes  nous devons les respecter. Le moment du rut est lorsque le ciel est sombre, quand Adonaï a décroché la lampe d’or et suspendu celle d’argent.
J’attendais donc la nuit. A cette époque elle était bleue et incitait au repos sans pour autant nous priver de la vue. Je dois dire qu’un instant je donnais raison à Adam. Entourée de la cour des étoiles, brillait la lune avec qui je me sentais tellement plus en harmonie qu’avec le soleil ! De nouvelles puissance s’éveillaient en moi, j’était plus forte, plus épanouie, mais je sentais que je pouvais avoir mieux. Suivant mon instinct je tendis une main vers l’astre, et sa face blanche devint noire. La nuit s’obscurcit encore, passant du bleu marine au bleu profond.
- Qu’as-tu fait ? Où est la lune ? Quelle est cette fantaisie ? S’écria Adam.
Ma chevelure flottait autour de mon corps nu et mes yeux brillaient d’une phosphorescence verte. Alors que je posais les mains sur mon époux, quelque chose apparut sur mon front : une nouvelle vulve, plus avide encore que celle de mon ventre, qui s’ouvrait sur mon âme. Je le renversais sur le dos et montais sur lui, le_sexe_de_l_intelligenceprête à lui faire découvrir un aspect qu’il ignorait, lui qui régnait sur les sommets et l’être : l’autre côté, ce qui restait incréé, le négatif, le creux. Je pouvais engloutir sa lumière et ainsi la révéler dans la nuit, faire flamboyer son plein par mon vide, mon vide par son plein. Nous aurions alors put être complémentaires, mais il fut pris de panique. C’est vrai que j’étais soudain sauvage : mon visage nocturne lui était révélé. Tandis que je le chevauchais mes mains devenaient griffues, mes caresses l’égratignaient. Mes mèches de cheveux ondulaient vers lui comme autant de serpents et je vis ses yeux se fixer sur l’ouverture de mon front et s’exorbiter en contemplant mes abysses intérieures. Il eu soudain peur de perdre la place qu’il pensait être sienne où d’être tout simplement dévoré. Invoquant Adonaï il me repoussa. A son tour il leva la main et la lune apparue de nouveau, ronde et blanche.
- J’ai vu toutes les créatures s’accoupler, s’écria-t-il et jamais, jamais, la femelle n’est dessus durant le coït !
- Je croyais que nous étions les maîtres du jardin et par conséquence au dessus de la condition des autres créatures…
Mais il ne me répondit pas, il alla s’asseoir à distance respectable de moi, en silence. Je m’allongeais sur le sol. Une brise chaude enveloppait mon corps, que les herbes caressaient. Sous mes doigts, je découvrais ce qu’Adam ne m’avait pas encore donné. Finalement je m’endormis, toujours vierge.
Lorsqu’il revint vers moi, à l’horizon le bleu devenait pourpre, les oiseaux de l’Eden entonnaient leurs prières matinales.
- Lilith, réveille toi, mon épouse ! Il nous reste encore le temps de profiter de la nuit.
Ses mains avaient saisis mes seins.
- Tu es plus désirable à cette heure ci, me dit il. La…chose sur ton front a disparu !
Il s’allongea sur moi et attrapa mes jambes qu’il ouvrit sans cérémonie.
A régner sur les animaux, Adam ne concevait le coït qu’à leur façon. Une nécessité qui pousse à frotter un boudin dans un boyau, jusqu’au spasme qui soulage le corps. Moi qui suis issue du vide obscur où rien n’est existant mais tout encore possible, je refuse ce qui est fixé, je refusais ses règles et sa nécessité, je me refusais à lui. Il devint furieux.
- Lilith ! Je suis ton époux, je règne sur toi comme l’Eternel règne sur moi et je donnerai naissance à nos enfants en te fécondant de ma semence comme Il m’a donné naissance en fécondant la terre de son souffle.
Affaiblie par l’aube qui pointait, je succombais sous lui comme la nuit succombait au jour. Il me pénétra de force. Je le mordais. Tout à son plaisir, ça ne le gêna pas mais pour la première fois je goûtais au sang alors qu’il me tâchait de son sperme.

                                                             2

Le soleil se levait et toutes les créatures chantaient à leur façon la gloire d’Adonaï. Dans l’Eden, nous comprenions parfaitement leurs hymnes, dans la lumière du matin, l’éclatement des couleurs, le vol des animaux ailés, la course des animaux terrestres, le murmure des eaux. Adam lui aussi louait le seigneur de notre union, lui demandant de la bénir.
Moi seule pleurais. Je fus sans doute la première la première à verser des larmes, avant même que l’humanité soit chassée du jardin. Au flanc d’une colline je trouvais une grotte où je me réfugiais pour fuir cette liesse qui m’était insupportable. Là, l’ambiance était différente. J’y ressentais une résonance particulière, mystique. Je m’assis sur le sol et fermais les yeux. Dans le noir et le silence, au contact de la roche et le l’humus, mon corps et tout mon être se souvenait de ses origines, du vide et de l’informe d’où Adonaï m’avait tirée par son souffle qui anima l’argile. J’y trouvais l’apaisement à mon chagrin et je restais ainsi, les jambes croisées, le dos contre la paroi. Lorsque j’en sortis la nuit était tombée. Régénérée, à nouveau joyeuse, je me mis à danser sur la colline, à la lumière de la lune que j’aimais plus que le soleil.
- Où étais-tu, Lilith? me demanda Adam. J’ai été bien seul pour cultiver le jardin. Tu es mon épouse, tu ne dois pas me laisser ainsi.
Il semblait sur ses gardes et je compris que tant que la nuit s’étendrait, il n’oserait me forcer à rien. Elle était mon alliée et mon époux craignait la puissance nocturne qu’il avait observée chez moi. Cependant juste avant l’aube, il me reprit de force.
Les jours continuèrent ainsi. Adam cherchait à me convaincre que nos vies devaient se conformer à une série de règles qui déterminaient mon  rôle, le sien, la manière de nous unir charnellement (Toujours l’homme en dessus, précisait-il) etc.…Il m’affirmait qu’il tenait tout cela de l’Eternel lui-même, qui venait le soir le visiter pour prodiguer ses enseignements. Moi je ne voyais pas l’Eternel, désormais je passais toutes mes journées dans la caverne, n’en sortant qu’à la nuit. L’Eden était devenu pour moi une prison dont je cherchais l’issue.
Pendant que mon époux était tout à sa prière de louange sous le soleil, moi, dans le ventre de la terre-mère, je me livrais à la méditation sur l’obscur. 
Pendant qu’il croissait en humanité et que les rayons divins l’attiraient vers le haut, je remontais de plus en plus vers l’origine.
Pendant qu’il veillait à ce que la nature suive le même chemin que lui, celui des règles qu’il attribuait à Adonaï, je régressais vers la matrice de toute chose.
Mais finalement je réalisais que cette matrice n’était que la face négative d’Adonaï, Son aspect féminin, d’où il avait tiré même La Sagesse qui fut l’architecte de ses oeuvres. Alors qu’Adam courrait sous le ciel en levant les bras pour atteindre l’Eternel toujours distant,  je me trouvais à la source, à la racine où l’Etre est en contact avec son créateur. Et là, je connus le Nom véritable de l’Eternel, celui qui contient Sa puissance. Celui qui pouvait me libérer de ma cage dorée.
Et je prononçais Le Nom Ineffable.
J’ai perdu la plus grande partie des souvenirs de ce qu’il arriva à ce moment là. Je sais que le sol se mit à trembler, chose qui ne devait pas arriver dans l’Eden, et une crevasse ouvrit la caverne sur le ciel. Je sais aussi qu’un instant il n’y eu plus de Lilith, j’étais anéantie en Adonaï et Adonaï était tout en moi. Le temps et l’espace se déployèrent devant moi comme une tapisserie où chaque chose était un fil inextricablement emmêlé aux autres  formant une figure cohérente. Heureusement l’oubli tomba aussitôt sur cette vision qui m’aurait sinon réduite en cendres.
De grandes ailes noires s’étaient ouvertes dans mon dos et je pris mon envol en éclatant d’un rire fou. Au dessous de moi le bel ordre du jardin  avait fait place à une confusion inconnue en ce lieu. Les animaux courraient dans tous les sens, les oiseaux piaillaient en tournant en rond et la brise habituelle s’était 109changée en bourrasque. Et au milieu de tout cela, Adam, les yeux levés vers le ciel cette fois pour me regarder, criait mon nom et me suppliait de revenir. Mais j’étais bien partie et derrière moi, le calme paradisiaque revenait aussitôt.
J’avais déjà oublié Le Nom Ineffable. Un être humain ne peut le retenir. Mais qu’importe, le prononcer m’avait transportée au dessus de la condition humaine. J’étais libre. Ma vision percevait maintenant au-delà du simple plan de l’Eden. Et je vis la structure des mondes, comme une série de sphères concentriques. Le centre irradiait de la lumière d’Adonaï, trop aveuglante pour être regardée. Les mondes plus proches en surgissaient, les demeures des hautes puissances célestes. Ils avaient l’apparence d’un océan d’or en fusion. Progressivement le rayonnement s’atténuait et devenait plus compact. L’Eden était la première sphère où apparaissaient des formes stables et parfaites. Elle était elle-même contenue dans une autre, plus éloignée du centre, et ainsi de suite, mais toutes émanaient de le lumière centrale qui allait en s’affaiblissant, créant à chaque fois des univers de plus en plus contingents.
Vers l’ouest, une gigantesque gueule s’ouvrait dans le ciel. Une porte sur la sphère plus éloignée. J’y plongeais et fus saisie par un air plus froid et venteux. Le paysage que je survolais était, par rapport à l’Eden, comme la pâle reproduction d’un chef d’œuvre par un mauvais copiste. Il était couvert d’épaisses forêts, de montagnes, de plaines, comme je n’en avais jamais vus. Dans le jardin, tout organisme était maintenu en plénitude par la puissance d’Adonaï que nous appelions « Arbre de vie » et qui nous garantissait l’éternité sans apport extérieur. Les sons, odeurs et couleurs faisaient nos délices, sans besoin de nourriture. Dans le monde où j’arrivais, la beauté du  Verbe Créateur était mêlée à la présence du chaos : les animaux s’entre dévoraient,  les plantes et les arbres eux-mêmes se livraient à une lutte sans merci pour leur espace vital. Il n’y avait pas d’humains. Moi-même ressentit une sensation nouvelle : j’avais faim.
Un troupeau de biches dévalait une piste au milieu d’une forêt. J’aimais les biches, je courrais souvent avec elles la nuit, en Eden. Mais cette fois je les considérais d’un autre œil : Leur grâce, leur délicatesse, éveillaient en moi l’envie de les posséder entièrement. Et je me souvenais du goût du sang d’Adam. Sans effort, grâce à mes ailes, j’en attrapait une. Je lui déchirais la gorge de mes dents et y bus à longs traits. Plus tard les descendants d’Adam mangèrent de la viande, mais longtemps Adonaï leur interdit le sang. Bien sûr, le sang porte en lui le mystère même de la vie et c’est le domaine qu’Il se réserve. J’avais de naissance du chaos en moi et depuis que j’avais prononcé Le Nom Ineffable, un peu du feu divin. Je pouvais ressentir comme très peu d’hommes l’ont put la puissance de la chair et du sang.
Prise de frénésie je me mis à dévorer ce corps, en arracher de long morceaux de chair encore tiède. La biche était mutilée par mes dents et plus rien ne l’animait. Je découvrais ce que je n’avais jamais connu : la mort. Mais par  le sacrifice de cet animal, je sombrais dans une vision où m’étaient révélés les fondements de ce nouveau monde : c’était une vaste danse de création et de destruction, où toutes les créatures, engendrées par de féroces copulations, grandissaient en tuant l’autre pour intégrer sa force, pour finir par mourir elle même, permettant l’apparition d’autres vies. Il me semble que je m’imprégnais dans cette nature, que j’en acceptais et aimais les règles.
Je partis vers le sud, chassant autant par plaisir que par besoin. Mon corps nu si désirable et ma crinière épaisse étaient poissés de sang. Je guettais, je bondissais, je tuais,  j’ingérais. Un jour j’arrivais à la mer.
Je me plongeais dans les flots pour me laver. Je m’y trouvais si bien…Après la terre et le sang, je me découvrais une affinité avec l’eau. Quand Adonaï Créa le monde, il sépara la lumière des ténèbres, l’ordre du chaos, les eaux d’en dessus où naissent les formes des eaux d’en dessous qui les dissolvent. Ce sont ces dernières qui mouillèrent la terre dont je fus tirée.
  C’est lorsque je sortis sur la plage pour me sécher que je les vis.
Les anges déchus.

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Commentaires
S
c'est génial! Tu écris vraiment bien et ton récit est magnifique!
lux umbra
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