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lux umbra
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21 avril 2006

Rencontre

belle_caza4

(illustration de Caza)

Dés qu’il eut franchi la porte, il déboucha dans la lumière…Maintenant il marchait  le long de cette côte, humant l’odeur des embruns… Il laissait  derrière lui la terrible angoisse, le désespoir, le trou noir…trou noir aussi ses souvenirs, il ne pouvait se remémorer ce qu’il était arrivé l’instant d’avant. Juste la souffrance, la détresse…mais plus rien de précis.

            La mer…depuis combien de temps ne l’avait- il pas vue ? Il grimaça en descendant la petite pente qui menait sur la plage. Certains mouvements lui faisaient mal. L’eau calme l’attirait…il défit ses vêtements et y entra. Sensation depuis si longtemps oubliée, la caresse douce et fraîche qui baignait son corps, exceptées quelques brûlures au niveau de ses plaies. Le soleil sur son visage. Le bien-être l’envahit, il fusionnait avec l’air, l’eau, l’astre du jour, comme un retour au bonheur océanique d’avant la naissance…il en sortit revigoré, se rhabilla. Non loin s’élevait une villa et il savait qu’on l’y attendait.

            Une fille d’une grande beauté se tenait sur le porche, sa peau sombre tranchait sur sa robe blanche. D’épaisses boucles noires tombaient sur ses épaules, jusqu’au milieu de son dos. Sans doute une métisse de noir et d’indien, comme il en avait tant vu dans les bidonvilles des banlieues de la capitale. Mais elle n’était pas marquée par la misère, non ! Son allure était celle d’une princesse.

            - Luis ! s’écria-t-elle, se précipitant dans ses bras.

            Elle était douce et parfumée.

            - Qui es-tu ? demanda Luis. Je sais que l’on se connaît…

            - Tu me connais, Luis. On s’est beaucoup côtoyés, mais sans jamais nous rejoindre mais aujourd’hui nous sommes réunis.

            - Oui, je me souviens de t’avoir aperçue…

            Deux ans plus tôt, une opération dirigée contre une caserne avait mal tourné. Luis avait vu tomber plusieurs de ses camarades et avait du s’enfuir dans les rues de la vieille ville, poursuivi par les forces spéciales. Il se revoyait fendre la foule affolée des petites rues, à travers la chaleur et la misère, les cris, les coups de feu.

            Soudain il s’était retrouvé face à elle.

            Elle le contemplait, sereine, indifférente à l’agitation et il aurait voulu cesser sa course et l’enlacer…Puis il avait obliqué dans une petite traverse et réussi à semer ses poursuivants.

            Quelques mois plus tard, il gisait, dévoré de fièvre, dans un village de jungle qui abritait les guérilleros. Moitié délirant, il grelottait. Sentant une présence, il avait fait l’effort d’ouvrir les yeux. Elle se tenait penchée sur lui, ses yeux sombres pleins d’amour. Elle posa la main sur son front et une profonde paix le gagna. Il s’endormit.

            Il fut réveillé par une piqûre. Leur médecin les avait rejoints et lui posait une perfusion. Le mal était jugulé.

            Aujourd’hui elle était prés de lui. Passant son bras autour de sa taille elle l’emmena à l’intérieur. La chambre était sombre, mais le soleil, à travers les stores, rayait le lit de lumière.

            Lentement, il fit glisser les brettelles de la robe. Son corps était brun sous le vêtement blanc qui tomba au sol. Des tatouages en arabesques parcouraient la peau de tout son buste. Décoratifs ou rituels ?

            Elle déshabilla l’homme et ses mains glissèrent sur son épiderme, lui arrachant un petit cri.

            -Tu souffres encore ? Murmura-t-elle.

            - Oui…mes côtes…

            Un gros hématome noircissait son côté. La femme le toucha et il se dissout comme une tâche sous le savon.

            - Tes poignets et tes chevilles sont marqués aussi, dit elle en le caressant à cet endroit.

            Les traces de brûlures au fer rouge sur son avant bras disparurent sous les baisers, ainsi que les marques d’électrodes sur sa poitrine.

            -Les indiens, dans la forêt, parlent de chamanes guérisseuses…Serais tu une d’entre elles ?

            - Je suis cela et tellement plus encore !

            - Pourquoi devrions nous nous rencontrer ?

            - Le chemin de ton esprit devait te mener à moi.

            En suivant les courbes tatouées sur le corps de la métisse, il repensait à ses cheminements, à ses souffrances et ses joies. Les lignes semblaient prendre leur source dans les replis du nombril noir, montaient jusqu'à ses seins qu’elles encerclaient puis retombaient en cascades vers le ventre. Alors elles entouraient d’un rayonnement sombre  le mystère du sexe rasé, vers lequel elles disparaissaient.

            Il eut l’idée étrange que ce réseau symbolisait son cheminement, de l’enfance protégée des beaux quartiers à la faculté, de la prise de conscience à l’engagement, puis à l’action armée, jusqu’au jour où il s’était retrouvé face au colonel Aranjuez…

            Il leva les yeux vers elle. Elle lui souriait.

            - Moi aussi je suis une rebelle, dit- elle. Personne ne peut m’asservir. Surtout celui qui croit m’utiliser.

            Elle se redressa et l’enjamba.

            - Maintenant je vais t’aimer. Laisse toi faire. Je serai à toi et tu seras à moi.

            Elle s’emboîta sur lui, sa bouche descendant vers celle de l’homme. Les lourds cheveux noirs au délicat parfum tombèrent sur le visage du guérillero. Son sexe s’enfonçait dans un océan de douceur qui l’emportait loin, très loin…il s’abandonna…

 

 

 

 

 

 

            -MERDE ! Cria Ortégua. Son cœur a lâché !

            - Pas moyen de le réanimer ? Demanda le Colonel Aranjuez en tirant sur sa cigarette. Il était à bout, il allait nous donner ses contacts !

            Le « docteur » Ortégua, grand spécialiste de la torture, souleva les paupières de Luis et posa ses doigts sur son cou à la recherche de pulsations…

            - Non, je suis désolé mon colonel, il nous a définitivement échappé.

            Aranjuez détacha la petite tête de mort d’argent épinglée sur son uniforme des forces spéciales, et la jeta rageusement.

            - Mais je rêve ! Il sourit en plus ! Cette salope de mort nous a volé notre prisonnier !

            

 

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Commentaires
P
Les similitudes ne sont pas étonnantes, l'âme humaine à toujours lié Eros et Tanathos...<br /> Je viens de parcourir ton blog, il faudra que je prenne le temps de le lire tranquillement, tes nouvelles ont une ambiance qui me plait particulièrement...
L
la mort m a nspiré aussi mais du coup je suis toujours étonné que mes mots soient si proche de référence que je ne connais même pas : <br /> <br /> blonde éternel<br /> <br /> O faucheuse, <br /> Grande blonde amie, <br /> O chercheuse, <br /> Toi qui mit fin à ma vie. <br /> <br /> Laisse tes bras ouverts, <br /> A mon coeur que je te dédie. <br /> Allongeons nous sur les pres verts, <br /> d'un nuage clair, d'une étoile qui dévie. <br /> <br /> Quand tu t es épris de ma jeunesse folle, <br /> Que des mots d'amours tu as tenu le rôle, <br /> Que tes robes voluptueuses, <br /> M ont emmené ma belle amoureuse.
P
Merci chère Elle, pour cet hommage et ce trés beau poème!<br /> Cette histoire m'a été inspirée par une chanson de J-R Caussimon et Léo Férré: "Ne chantez pas la mort":<br /> <br /> Ne chantez pas la Mort, c'est un sujet morbide <br /> Le mot seul jette un froid, aussitôt qu'il est dit <br /> Les gens du show-business vous prédiront le bide <br /> C'est un sujet tabou... Pour poète maudit <br /> La Mort... La Mort... <br /> Je la chante et, dès lors, miracle des voyelles <br /> Il semble que la Mort est la soeur de l'amour <br /> La Mort qui nous attend, l'amour que l'on appelle <br /> Et si lui ne vient pas, elle viendra toujours <br /> La Mort... La Mort... <br /> <br /> La mienne n'aura pas, comme dans le Larousse <br /> Un squelette, un linceul, dans la main une faux <br /> Mais, fille de vingt ans à chevelure rousse <br /> En voile de mariée, elle aura ce qu'il faut <br /> La Mort... La Mort... <br /> De grands yeux d'océan, la voix d'une ingénue <br /> Un sourire d'enfant sur des lèvres carmin <br /> Douce, elle apaisera sur sa poitrine nue <br /> Mes paupières brûlées, ma gueule en parchemin <br /> La Mort... La Mort... <br /> <br /> Requiem de Mozart et non Danse Macabre <br /> Pauvre valse musette au musée de Saint-Saëns ! <br /> La Mort c'est la beauté, c'est l'éclair vif du sabre <br /> C'est le doux penthotal de l'esprit et des sens <br /> La Mort... La Mort... <br /> Et n'allez pas confondre et l'effet et la cause <br /> La Mort est délivrance, elle sait que le Temps <br /> Quotidiennement nous vole quelque chose <br /> La poignée de cheveux et l'ivoire des dents <br /> La Mort... La Mort... <br /> <br /> Elle est Euthanasie, la suprême infirmière <br /> Elle survient, à temps, pour arrêter ce jeu <br /> Près du soldat blessé dans la boue des rizières <br /> Chez le vieillard glacé dans la chambre sans feu <br /> La Mort... La Mort... <br /> Le Temps, c'est le tic-tac monstrueux de la montre <br /> La Mort, c'est l'infini dans son éternité <br /> Mais qu'advient-il de ceux qui vont à sa rencontre ? <br /> Comme on gagne sa vie, nous faut-il mériter <br /> La Mort... La Mort... <br /> <br /> La Mort ?...
E
votre texte est un somptueux cadeau qui sait transcender le pire pour en faire naître le beau, parce que la Mort n'est pas cette ennemie...<br /> Je vous offre en retour mon regard sur Thanatos<br /> <br /> Complainte à la Dame <br /> <br /> Ah, dame, Madame ! Tout s’endort… je veille.<br /> Dites, quand viendrez-vous étraver ma rivière <br /> Et poser vos doigts blancs sur l’horloge usurière ?<br /> Je n’ai que trop cherché aux tréfonds des bouteilles !<br /> <br /> Ah ! longue, si longue fut l’époque des merveilles <br /> Mais il n’est dans mes mains aujourd’hui que poussières !<br /> Aussi, je vous attends, paisible à la frontière ;<br /> Je guette vos voiles, l’ombre qui appareille.<br /> <br /> Mon âme est au repos et si tremblent mes doigts<br /> Ce n’est pas de la peur, c’est vieillesse et émoi,<br /> C’est cette attente immense où je coule mes forces.<br /> <br /> Car il faut maintenant que de moi je divorce <br /> Pour m’en venir à vous ma dernière amoureuse<br /> Recevoir le baiser de vos lèvres passeuses.
I
je l'avais lu ce texte !!!! La rencontre avec la mort bien entendu... Franchement, si la mort c'est ça, ça m'inquiète tout de suite moins moi ! Excellent, à souhaiter que les lecteurs ne le rate pas. Vraiment
lux umbra
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